Logo...motive
Tout juste rentrés en classe, profitant du brouhaha du déballage des cartables une fois les formalités disciplinaires accomplies, un coup de coude sous la table...
En catimini, Michel extirpe de sa poche un rectangle transparent aux coins arrondis comme un minuscule poste de télé. Dans la fenêtre de plastique, un bâtiment jaune et bleu, le nom "berliet" sur son fronton, le dessin d'une pointe tournée vers le bas, surmontée d'un cercle et d'un rectangle.
En 1965, en classe de Cours élémentaire première année dans la grosse école de quartier populaire dijonnais, et partout ailleurs en France, le porte-clé connaît son heure de gloire.
Mais celui-ci est magique...
Comme le petit jouet emporté en secret de la maison, qu'on touche à travers le tissu de la poche pour se rassurer, pour se donner du coeur à l'ouvrage ardu, pour avaler une réprimande, une brimade, un chagrin ; comme un trésor pour épater les copains, ce porte-clé est si fabuleux que Michel brave l'autorité absolue du maître d'école brutal de cette année là.
Avec un geste précis, Michel, mon voisin de table d'écolier, incline le petit écran, et...
lentement,
un camion rouge sort du garage !
La Galerie du camion ancien de l'Usine Aillot à MONTCEAU-LES-MINES accorde à la marque "Berliet" une place à la hauteur de sa notoriété, et du nombre de poids-lourds produits.
A Lyon en 1899, Marius Berliet fait évoluer le savoir-faire industriel familial. Il passe du domaine du tissu à celui de l'automobile en s'installant constructeur. Marius Berliet acquiert rapidement une telle réputation de simplicité, de robustesse et de puissance, qu'en 1905, la firme américaine ALCO (American Locomotive Company) souhaitant se diversifier, lui achète la licence de fabrication de 3 modèles automobiles.
Peu après, en 1907, l'emblème de la marque Berliet se transforme radicalement des simples initiales "MB" de son fondateur, au dessin de l'avant d'une locomotive américaine dotée d'un impressionnant chasse buffle.
L'emblème ira s'épurant petit à petit.
La locomotive initiale voit le dessin de ses attributs se simplifier et disparaître un à un, jusqu'à ne conserver que l'essentiel symbolique...,
passant ainsi progressivement de l'emblème figuratif au logo stylisé, à peine évocateur.
A partir de 1907, date de sortie des ateliers de son premier camion et grâce à la fiabilité de ses mécaniques, la marque Berliet connaît sous son nom propre la prospérité commerciale. Elle met son sens de l'innovation au service de tous types de transports, et sera particulièrement reconnue et appréciée par les militaires, les pompiers, les chantiers d'extraction minière, de travaux forestiers ou pétrolier..., acquérant même des "lettres de noblesse" avec l'expédition géographique et scientifique "Berliet - Ténéré" en 1959-1960.
En 1975-1978, aux côtés de Saviem, Berliet devient le pilier central de Renault Véhicules Industriels (R.V.I., devenu Renault Trucks en 2002).
Le nom et le logo de la marque disparaîtront alors des calandres, au profit du losange de la régie.
Conquérant, puissant, et robuste, durant des décennies l'avant des camions Berliet en imposa autant à la route, aux pistes des régions inhospitalières, aux chantiers périlleux, que celui d'un train au rail et aux vastes étendues américaines.
En 1965,
Berliet lançait à grand renfort de réclame son camion "Stradair" doté d'une suspension pneumatique stable et confortable, au point de rouler, non pas sur des oeufs... encore que..., mais avec des oeufs embarqués... sans les casser !
Deux jours plus tard dans un coin reculé de la cour de récré, Michel sortit de son blouson un oeuf au bout d'une chaînette porte-clé.
Comme pour assurer encore le suspens du spectacle, il le balança un court moment au bout des quelques maillons, puis le saisit des deux mains et soudainement, cassa la coquille...
lentement,
un camion rouge sortit de l'oeuf !
Le papa de mon copain Michel était propriétaire du plus gros garage poids-lourds de la région dijonnaise...,
le garage Berliet bien sûr !
(Clichés Journées du Patrimoine 2019 à l'Usine Aillot - MONTCEAU-LES-MINES
images des porte-clés empruntées sur site de vente en ligne)
© F6
octobre 2019
Pour revoir l'Usine Aillot :
Le lieu ouvre ses portes au public quelques jours par mois de mai à octobre, et plus largement dans le cadre des Journées du Patrimoine. Si la Galerie du camion ancien occupe la position centrale du carreau de l'usine, le propriétaire concepteur ainsi que sa bande d'amis associés portent bien d'autres ambitions.
http://priseauvent.canalblog.com
L'Usine Aillot à MONTCEAU-LES-MINES revit depuis 2014 autour de la Galerie du camion ancien. Elle tend à ses visiteurs un large rétroviseur, y déroule l'écran de souvenirs en couleurs, allume le projecteur d'épopées en noir et blanc... Que l'on soit d'ici ou d'ailleurs, jeune ou vieux, rural ou bien citadin, la galerie embarque, "encamionne" devrait-on dire, pour un voyage attendri, nostalgique, amusé, interrogateur.
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