Beau comme...
L'Usine Aillot à MONTCEAU-LES-MINES revit depuis 2014 autour de la Galerie du camion ancien.
Elle tend à ses visiteurs un large rétroviseur, y déroule l'écran de souvenirs en couleurs, allume le projecteur d'épopées en noir et blanc...
Que l'on soit d'ici ou d'ailleurs, jeune ou vieux, rural ou bien citadin, la galerie embarque, "encamionne" devrait-on dire, pour un voyage attendri, nostalgique, amusé, interrogateur.
"Si vous l'avez, c'est qu'un camion vous l'a apporté !"
Après l'ultime tranche de saucisson cuit tendue au mouflet arrivé avec sa grand-mère au comptoir du camion sur la place de MONTOT, Mimile, le boucher-charcutier de BRAZEY, cessa son activité. Mimile fidélisait la clientèle à coup de fines tranches offertes aux enfants et aux chiens, pourvu qu'ils soient accompagnés... de clients s'entend ! D'autres commerçants mijotaient les ragots qu'ils colportaient sur les routes de campagne.
Même sur la place d'un village sans commerce, la concurrence pouvait être rude ! Le camion de la boulangère de TROUHANS passait aussi, plus souvent. Une fois par mois seulement, arrivait un gars de DIJON à qui on achetait des combinaisons, des tabliers, des culottes, des bérets, des pantalons. Pour les légumes, habituellement on allait au jardin, à la cave ou chez le voisin, mais, "au cas où", un épicier ambulant vendait de ça... et de tout le reste aussi.
Bien avant sa désertion résignée, Mimile dut composer avec Nénesse de SAINT-USAGE. Mimile avait le lundi, le saucisson et le klaxon deux tons déchirant la quiétude du village ; Nénesse le jeudi, le calembour facile et un pâté en croûte excellent.
Mimile fut le tout dernier, bien après les boulangers, à servir cette clientèle rurale.
Aujourd'hui, la livraison se fait à ta porte.
Tout juste si elle ne travaille pas le dimanche et la nuit pour satisfaire les envies !
Aussi précieux que des médicaments urgents, le dernier ouvrage littéraire bien vendu à l'émission radio de la veille, la batterie de rechange du téléphone portable défaillant, les chaussures de sport en promotion... sont livrés de la main à la main, au plus tard le surlendemain de la commande et de son paiement vérifiés.
Au début des années 1970, quelques temps après que le Mimile ait cessé ses tournées dans les villages voisins,
Mémé Jeanne est partie en maison de retraite.
"Les routiers sont sympas"
Serviables, on l'a vu, mais "sympas" aussi ?
Fallait-il qu'ils soient si décriés à l'époque pour mériter autant de louanges publicitaires !
Partager la route n'était, et n'est toujours pas mince affaire : camions puissants et pressés, caravanes encombrantes tractées par des automobiles poussives, engins agricoles aussi lents que larges, artisans toujours attendus, commerçants ambulants en cours de tournée, salariés en retard, motards, cyclistes... Parmi la rude concurrence qui se joue sur le bitume, les camionneurs, forçats des longues journées et gros bras des lourds chargements règnent en maîtres, dominants de l'asphalte.
L'usage de la route au long cours, que l'on soit caravanier sur les pistes arides d'autrefois ou routier à l'international d'aujourd'hui, nécessite une solide trempe d'aventurier. Loin de chez soi en terre étrangère, seul maître à bord, un chargement à conduire à bon port, un horaire à tenir...
Aventuriers, mercenaires, soudards de la route, ces figures du camionneur sont immortalisées sur la pellicule des films comme une mise en scène des tempéramments humains, autant que dans nos souvenirs... pour peu que l'on ait bien connu le XXème siècle.
Elles ont pour nom Bernard Blier / Mitch-Mitch, Jean-Paul Belmondo / Rocco, Charles Vanel / Jo, Yves Montand / Mario, Maurice Biraud / François, Charles Aznavour / Samuel, ou Lino Ventura / Brigadier Théo Dumas, Hervé Marec dit "Le Plouc", Peter Van Eyck / Bimba, Folco Lulli / Luigi...
... et jouaient "Le salaire de la peur",
"Cent mille dollars au soleil",
"Un taxi pour Tobrouk"...
Les camions avaient du nez et de la calandre, des courbes douces, des angles vifs, des bosses et des plis de tôle, de l'acier, du bois, du caoutchouc poussiéreux... du caractère et de la gueule.
Les hommes y étaient virils, fourbes, lâches, courageux, généreux, volubiles ou taiseux.
Et les femmes..., bien peu présentes.
Beau... comme un cadeau... !
Nous quitterons l'Usine Aillot avec un Berliet GLR emballé par le plasticien Xavier Juillot à l'occasion du 70ème anniversaire du "camion du siècle".
"J'vous l'emballe, hein ma p'tite dame !?"
disait le Mimile...
(Clichés Journées du Patrimoine 2019 à l'Usine Aillot - MONTCEAU-LES-MINES)
© F6
octobre 2019
Pour approfondir la visite :