Anacamptis (1/2)
Anacamptis pyramidalis (Orchis pyramidal) pullule dans cette vaste prairie naturelle. Parmi eux, un individu et un seul se distingue de ses voisins par sa couleur.
La parcelle offre 30 hectares vallonnés à 15 charolaises et leurs 15 veaux de l'année. Dans les secteurs aux terres épaisses, le bétail broute l'herbe grasse du mois de mai. Dans les fonds et sur les crêtes, taillis et sous-bois proposent une ombre rafraîchissante.
Les Orchis nous sont apparus très rapidement, mais c'est sur un flanc de pente précis qu'ils sont les plus nombreux. Quant aux vaches, il a fallu attendre que l'éleveur les retrouve et les appelle pour qu'elles viennent nous saluer en une joyeuse et bruyante cavalcade !
Habituellement de couleur rose à lilas foncé, on rencontre cependant quelques rares spécimens blancs d'Anacamptis pyramidalis. L'anomalie, ou "hypochromie", serait due au blocage d'origine génétique de l'expression des pigments colorés.
On l'observe également chez plusieurs autres espèces d'Orchidées spontanées.
Au delà de la rencontre charmante de cet Anacamptis blanc immaculé, ce sont les techniques de reproduction propres à chacune des espèces d'Orchidées qui ne lassent pas d'étonner et d'émerveiller ; plus particulièrement le mode "entomogame" de par la singularité des stratégies d'attirance des insectes et les mécanismes de délivrance du pollen.
A l'arrière de chaque fleur d'Anacamptis pyramidalis, dans le prolongement du pétale central (labelle), se trouve un éperon, une sorte de tube creux sensé contenir le nectar qu'offrent en guise de récompense bon nombre de fleurs à leurs insectes butineurs - pollinisateurs.
L'insecte attiré par Anacamptis pyramidalis, le plus fréquemment un papillon, profite du labelle pour s'installer, puis de la forme "canalisante" de celui-ci pour dérouler sa trompe et sonder l'éperon - réserve à nectar. Tout juste introduite dans l'étroit orifice, la trompe du papillon se retrouve affublée de la paire de pollinies (masses de grains de pollen) "solidement" arrimée.
Ainsi le papillon pollinisera-t-il la prochaine fleur visitée...
Mais, s'il remporte bien le pollen malgré lui, il n'a pas eu le plaisir de savourer le nectar - récompense ; et pour cause :
Anacamptis pyramidalis n'est pas nectarifère !
Pour que ce "leurre nourricier - stratégie de reproduction" soit efficace, il est nécessaire que l'insecte soit tenté.
De jour, c'est la couleur vive des fleurs tranchant sur le fond vert de la prairie qui joue ce rôle d'attraction des lépidoptères diurnes ; quant à leurs confrères nocturnes, c'est le parfum qu'elles exhalent surtout la nuit qui les attirera.
Anacamptis pyramidalis, en stratège chevronné, va jusqu'à envisager qu'un papillon lésé dans sa quête de nectar lors de son premier passage sera bien moins motivé pour poursuivre ses visites et pourrait aller chercher ailleurs d'autres fleurs "plus honnêtes"...
... pour cela,
et pour inviter l'insecte dupé à tenter sa chance à nouveau,
le mélange de composés du parfum varie...
d'une fleur d'Anacamptis pyramidalis à l'autre !
Clichés du 21 mai 2022
à SAINT-VALLERIN (71)
Sources documentaires
- Guide des Orchidées de France, de Suisse et du Bénélux (P. Delforge)
- Orchidées d'Europe - Fleur et pollinisation (J. Claessens, J. Kleynen)
Stratégie assez proche chez Platanthera chloranta, une cousine d'Anacamptis pyramidalis :
"... Que dis-je, c'est un cap ?... C'est une péninsule ! Curieux : De quoi sert cette oblongue capsule ? D'écritoire, Monsieur, ou de boîte à ciseaux ? Gracieux : Aimez-vous à ce point les oiseaux Que paternellement vous vous préoccupâtes De tendre ce perchoir à leurs petites pattes ?...
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... plus élaboré encore chez Epipactis atrorubens
" Puisque j'ai mis ma lèvre à ta coupe encor pleine ; Puisque j'ai dans tes mains posé mon front pâli ; Puisque j'ai respiré parfois la douce haleine De ton âme, parfum dans l'ombre enseveli ;...
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