Pionnières
"Généreuse, Epilobium angustifolium (Laurier de Saint Antoine)
souligne les reliefs de la montagne,
comme le fait un discret maquillage aux yeux d'une dame."
Du champ d'Epilobes dressées, à la dalle de Lichens crustacés
Hameau abandonné du Saut
Moins populaires et plus austères, "biodiversité négligée", ils n'ont rien du guide de haute montagne musclé, chargé de cordes et de technicité. Cependant, les Lichens sont bel et bien depuis toujours les premiers d'une cordée végétale en marche vers les plus hauts sommets.
Dalle de Lichens crustacés (Rhizocarpon géographicum)
Hameau du Saut, vue sur Tignes et la Vanoise
Ils se moquent du lourd manteau neigeux dégoulinant à la fonte et de la tempête de pluie ; ils ne craignent ni le soleil cuisant, ni les températures polaires ; ils font fi de l'arridité extrême et des vents violents ; ils adorent la pénombre persistante...
Aucune de ces conditions sévères ne décourage la symbiose conquérante Champignon-Algue des Lichens.
Ils sont là, présents à tous les étages montagnards sans exception :
- "florissant" comme d'étranges chevelures grisonnantes pendant des branches du sous-bois sombre des étages montagnard et subalpin,
- collés au rocher comme une croûte se nourrissant de roche, de vent, d'eau et de soleil aux étages alpin et nival,
... les Lichens explorent, prospèrent, préparent le terrain, puis cohabitent.
Où le Lichen crustacé, "premier de cordée" végétale s'arrête, d'autres Lichens plus redressés, squamuleux, foliacés, fruticuleux arrivent. Viennent ensuite les Bryophytes (Mousses), et, petit à petit se créé un écosystème élémentaire fait de quelques aspérités végétales capables de retenir au vol des graines de passage qu'une ébauche de substrat organique nourrira au sol.
Comme un béret, une épaisse moquette végétale à la fois douce et craquante sous le pas finit par coiffer le haut de la plupart des roches affleurant la pelouse alpine.
Aiguille de la Grande Sassière
Les Lichens passent en tête, équipent la voie, puis assurent l'ascension d'autres végétaux audacieux. D'arride, la roche devient au fil du temps support d'une diversité biologique coquette et fleurie.
"Tapis, moquette, béret...",
diversité biologique dominée par Dryas octopetala (Dryade à huit pétales) en graine
Document Station alpine Joseph Fourier - Col du Lautaret
Plus haut dans l'étage alpin se dissémine la pelouse alors que de l'étage nival descendent névés et glaciers. Ici où naissent torrents et moraines, des radeaux fleuris semblent flotter sur une mer minérale.
Silene acaulis
Silène acaule
Lotus alpinus
Lotier des Alpes
Les plantes rares poussent et fleurissent vite, sans se lancer dans de hautes tiges fragiles ; à quoi bon courir des risques ! Elles se tapissent au coude à coude, en formations de coussinets.
Linaria alpina
Linaire des Alpes
C'est à qui sera la plus colorée, la plus belle en cette montagne, afin de réunir toutes les chances d'attirer au plus vite les insectes pollinisateurs.
Aiguille de la Tsanteleina - Lac de la Sassière
Astragalus leontinus
Astragale de Lienz
Si nous redescendons de quelques dizaines de mètres, à la lisière de la forêt au terme de l'étage subalpin, se situe le front de ce que la phytosociologie nomme "zone des combats". C'est ici que les grands arbres en lutte avec les éléments rabougrissent, sous la pression d'un fort enneigement, sous les assauts des éboulements et des avalanches. Les derniers mélèzes y sont torturés, sauf à avoir eu la chance pour certains de s'échapper du front afin de trouver l'abri d'une roche. Aux grands résineux succèdent les buissons de Rhododendrons, de Myrtilles, d'où émergent parfois quelques bouleaux isolés, voisinant avec des colonies d'Aulnes. Tous, ou presque, laisseront bientôt le champ libre à la pelouse alpine...
Salix retusa
Saule à feuilles émoussées
(à confirmer !)
"Tous, ou presque, laisseront bientôt le champ libre à la pelouse alpine" :
pour autant, on aurait tort de penser que l'arbre a disparu de la haute montagne avec la forêt !
Un arbre, le Saule polaire ou arctique, accompagne les plantes pionnières le plus haut possible, mais il le fait couché, plaqué sur le sol, déployé comme s'il voulait retenir la roche de toutes ses racines, de toutes ses branches.
S'il est évident que le réchauffement climatique aura très prochainement "raison" des glaciers que nous connaissons encore en Europe, aujourd'hui des pans de montagne s'effondrent, des substrats se modifient. Remontant vers le Nord, osant l'altitude, la vie biologique toujours conquérante a déjà entrepris une migration nécessaire.
Il s'agit là de bouleversements lents mais conséquents qui, à terme, causeront également la disparition d'espèces végétales fragiles des massifs les plus concernés.
Artemisia glacialis
Génépi des glaciers
Plantes pionnières, plantes migrantes, plantes réfugiées...
Puisqu'il est "encore temps",
je vous sers une petite larme de Génépi ?
© F6
août 2018
Le réchauffement climatique pousse la flore montagneuse vers les cimes. C'est le constat qu'une équipe de 53 chercheurs de onze pays différents a fait en compilant les données disponibles sur le nombre de plantes recensées de 302 sommets montagneux d'Europe parmi lesquels ceux des Alpes, des Pyrénées, des Carpates, d'Écosse ou de Scandinavie.
https://www.sciencesetavenir.fr
Des Lichens encore, mais ailleurs :
Autrefois très peuplé au temps des boeufs et des nourrices, puis prisé des touristes anglais et hollandais, question population aujourd'hui le MORVAN est à l'étiage social. Il offre des terres rudes aux chasseurs et aux randonneurs, aux "industriels" du bois et aux exploitants du sapin de noël, des terres de refuges aux éprouvés et des terres de possibles aux installations militantes courageuses, individuelles ou collectives, plus ou moins durables.
http://priseauvent.canalblog.com