Situation gelée
Derrière ce décor féerique et éphémère pris en photo il y a quelques jours au bord de la départementale, se cache une canalisation d'eau. La vague de froid popularisée sous le nom de "Moscou-Paris" a joliment sculpté, figé l'anomalie d'un tuyau percé dispersant obstinément dans les arbustes et sur l'herbe ses jets continus de fines gouttelettes.
Ici, derrière ce décor féerique entre rivière et route, derrière ce tuyau percé, stationnent une dizaine de caravanes séparées par quelques cabanons construits de bric et de broc.
Ici, d'un côté coule la Bouzaise, de l'autre roulent les automobiles, et surtout, le temps passe, passe, passe...
Deux camps en un : celui des voyageurs sédentarisés par diverses obligations douloureuses, et celui des ferrailleurs partagent tant bien que mal une arrivée d'eau, une ligne électrique, et un WC. Un arrêt de bus urbain a été créé à proximité il y a quelques années. Il dessert une proche zone d'activités et facilite la fréquentation scolaire des jeunes du camp vers les premiers établissements d'enseignement tous très éloignés.
Mai 1990
La Loi sur le droit au logement, dite Loi Besson, oblige les villes de plus de 5000 habitants à réserver des terrains aménagés pour les gens du voyage.
Juillet 2000
La seconde Loi Besson "relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage" renforce les obligations des communes, encadrées par un schéma départemental. On distingue :
- des "aires permanentes d'accueil" aménagées et prévues pour le passage et le séjour, concernant toujours les communes de plus de 5000 habitants,
- et des "aires de grand passage" réservées à des étapes dans le voyage, ou bien à des rassemblements occasionnels regroupant jusqu'à 200 caravanes. Ces aires relèvent plutôt de la responsabilité des communautés de communes.
Juillet 2013 (soit 13 ou 23 ans plus tard selon qu'on prenne en compte 2000 ou 1990 comme "année zéro")
- 52% des "aires permanentes d'accueil" existent bien,
- 29% des "aires de grand passage" ont été créés...
... seulement...
Mars 2018 (18 ou 28 ans plus tard)
Alors que la commune semblerait se contenter de répondre à ses obligations d'accueil avec cette aire que nous constatons en état sommaire, pitoyable jusqu'à l'indécence depuis que nous habitons par ici, soit bientôt 40 ans, la communauté d'agglomération vient de décider d'implanter une "aire de grand passage" dans l'un de ses villages proche de la bourgade.
Une association d'opposants à l'aire s'est créée qui veut "défendre l'intérêt du village"...
A l'heure du réchauffement climatique que plus grand monde ne conteste, le "vivre ensemble", "tarte à la crème politico-médiatique" semblerait avoir bien de la peine à émerger de la glaciation...
© F6
mars 2018
PS - il se pourrait bien que, lassées d'espérer être accueillies dignement sur des aires publiques correctement aménagées, des familles "du voyage" deviennent propriétaires de terrains qu'elles occupent et partagent... à suivre.
"Gens du voyage" est un terme administratif qui désigne un mode de vie non sédentaire : il apparaît avec deux décrets de 1972, qui se réfèrent à la loi de 1969 sur l'exercice des activités économiques ambulantes. Celle-ci remplaça notamment le carnet anthropométrique institué par la loi de 1912 sur les nomades par un livret de circulation.
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