Archi Tignes (7/8)
Ils ont opté pour le séjour évasion,
ils ont choisi le forfait grand frisson...
A Tignes,
dont la population locale est évaluée à 2 500 habitants répartis dans plusieurs hameaux, la capacité d'accueil dépasse les 30 000 lits, soit près de 12 touristes pour 1 Tignard...
12 touristes pour 1 Tignard... seulement direz-vous !? Oui, mais ceci durant toute une année, soit 2 400 000 nuitées en 2013.
15% de ces nuits sont dormies l'été où la fréquentation est en progression régulière.
"Potala tarin"
barres d'immeubles à gauche, quartier aéré à droite
Ces 30 000 lits sont répartis dans 7 ou 8 hameaux, mais si tu souhaites chausser les skis à proximité de ta résidence sans avoir à démarrer ton automobile ou prendre une navette, alors choisis :
- Les Brévières à 1550 m ou Les Boisses à 1850 m pour une "ambiance village",
- Le Lavachet ou Le Lac à 2100 m, ou encore Val Claret à 2127 m.
Ces 3 derniers sites concentrent la majorité des hébergements bâtis à proximité des grandes "gares de remontées mécaniques".
Déambulation "à pieds secs" (ascenseur, coursives, galeries...)
Avant de penser, comme cela semble plus en vogue de nos jours, à développer un habitat saisonnier à l'allure de village dans des quartiers de grosses bâtisses et de petits immeubles (Lavachet), parfois en rénovant et en étendant des hameaux historiques (Brévières et Boisses), le modèle d'urbanisme concentrationnaire prévalait. Rien d'étonnant donc à ce qu'on lise ici ou là que l'architecture de ces quartiers d'immeubles (Le Lac et Val Claret) est disgracieuse. Edifiés en 1965 et 1967, à peu de choses près, ils ne sont à la montagne que la réplique au grand air pur des cités urbaines aînées telles que celle des 4000 achevée en 1964 à la Courneuve.
Réplique en terme d'architecture certes, mais pas en ce qui concerne la fréquentation sociale : il est peu probable que les habitants des "4000 (logements) de La Courneuve" aient séjourné en masse aux "30 000 (lits) de Tignes"...
Balcons, loggias de bois
Autour d'une organisation des quartiers visant la déambulation "à pieds secs", induisant par conséquent une répartition réfléchie des parkings, des logements, des commerces en galeries et des cheminements d'accès aux remontées mécaniques, quelques concessions décoratives à la montagne se sont imposées et succédées par époques. Offrandes architecturales promues "mode des montagnes", ces concessions décoratives ne sont que de piètres tentatives de rédemption à la défiguration des paysages.
La variété des matériaux et la géométrie des volumes sont les outils essentiels de ces contreparties architecturales de façade.
Volets peints et rambardes ouvragées style coquet,
balcons et loggias accrochés
Au fil du temps des modes :
- les barres d'immeubles de béton se parent de bois de bardage jusqu'à parfois recouvrir des façades entières, façon chalet,
- les verticales lisses et uniformes s'agrémentent de balcons puis de loggias plus ou moins proéminents,
Bardages "façon chalet", soubassements et parements de pierre locale...,
jusqu'aux moloks
- les toits en terrasse aberrants en montagne s'inclinent peu à peu,
- les immenses immeubles se fractionnent, dorénavant se côtoient, se tournent d'un quart ou se tiennent dos à dos sur les flancs de terrains en pente en plus petits ilots,
- des soubassements et des murets en pierre locale apparente viennent encore souligner la filiation montagnarde des bâtiments,
- dernier matériau en vogue, le "bac acier" qui, en couvrant les toits inclinés, en habillant cheminées évents et loggias, apporte la couleur et revêt la géométrie d'une illusion de blocs, de falaises, de surplombs, de crêtes, de pics rocheux...
Dernier matériau en vogue, le "bac acier"
Bientôt sur catalogue (à moins que ça ne soit déjà fait), il est permis d'imaginer une cartographie verticale ainsi légendée :
- des immeubles
Grande Motte, Grande Casse, Aiguille percée, Pointe du Chardonnet, Dôme de Pramecou...,
- des entrées
Face nord, Pilier Roger Frison-Roche, Face est, Couloir Maurice Herzog, Face sud, Cheminée Lionel Terray...,
- des étages
Camp de base, Terrasse du soleil, Vire des tempêtes...
... débouchant sur des paliers horizontaux de studios de 20 à 40 m²,
pour 4 à 12 personnes.
A Tignes,
L'architecte en chef, celui des temps géologiques, reste indétronable. Peu perturbé, il lui arrive tout de même de déclencher parfois une saute d'humeur sous forme d'avalanche locale ; et sur la chaîne des Alpes, une plus grosse colère en tremblement de terre.
© F6
août 2017